17 nov. 2012

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04 juillet 2012 – Ramonville

     Mon Cher Julien,

    Voilà comment commence notre correspondance, par une réflexion sur la construction et l’organisation. Depuis mon arrivée chez mes parents hier, me voilà propulsée dans un flot de problèmes d’agencements. Une maison pleine et une maison vide. L’objectif est qu’elles soient toutes deux mi-pleines et fonctionnelles. Mais par quel bout commencer ? Chaque mouvement semble soulever une montagne de questions qui sont autant de blocages.
Aujourd’hui je décide de mettre en place mon espace de travail. Pour cela je dois transporter la fonction salon (les meubles) vers le lieu salon (la pièce vide). La pièce vidée deviendra mon bureau.
     Par ailleurs, j’ai également enclenché un autre chantier : ma chambre. Pour pouvoir y ranger mes affaires, je dois d’abord la vider de ce qui s’y trouve déjà, à savoir toute l’archéologie de mon adolescence. Là, on est dans un franchissement émotionnel, sentimental par le vide. On est pas dans le Penser/Classer on est dans le ... délestement ! Le faire-place. Du coup je me dis que le délestement est une question beaucoup plus mentale que matérielle. C’est surtout des capacités d’attention qu’on débarrasse.
     Je suis en ce moment dans cet espèce de mouvement continu de déplacement. Mais cette fois-ci, je ne déplace pas mon corps, ou ma capacité à saisir les choses. Je me déplace comme un outil de classement de charge, de décharge. Aller-retour entre archivage et oubliettes. Ce n’est pas moi qui bouge, c’est mon espace qui vibre, vrombit autour de moi, à travers moi.
     Face à cette extrême densité des choses, le lieu où tu te trouves me paraît vide et attirant comme la maison d’à côté. Tout ce que tu fais est nouveau et tu peux te permettre de remplir les choses. Tu peux ménager des espaces, des temps. Moi j’ai l’impression que tout mon corps résonne du clinquement, froissement, éternuement, dégringolement, entassement de tout ce poids que je porte, pose, porte, pose, porte, pose et qui continue de se déplacer dans ma tête même lorsque mes mains sont vides.
Je trouve nos deux situations à propos de certains questionnement sur la pesanteur, et la capacité physique et mentale de disposer de ses gestes, très différentes et intéressantes.
Leslie.